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Architecture

Bourgeois Lechasseur architects - L'Échouage Residence - Saint-Augustin-de-Desmaures - Canada

2025-12-15    
   

L’échouage est une manœuvre volontaire consistant à laisser un navire se poser sur le fond ou sur le bord de mer. Dépendante des marées, cette manœuvre exige de bien les connaître avant d’avancer son étrave vers la plage. Grâce au mouillage, la tenue du bateau et le halage vers le bon cap seront assurés lors du retour en mer. Au gré des marées…

Implanté sur une pointe de terre de la rive nord du fleuve Saint-Laurent, le projet prend place dans un paysage singulier, bordé de deux baies de sable et de rochers erratiques. Un petit chalet d’été, établi près de l’eau, occupait déjà le site. Sa relation directe au fleuve, accentuée par une implantation en projection au-dessus des marées et par l’intimité offerte par l’érablière environnante, constituait un héritage spatial et sensible déterminant pour la suite du projet.

La commande initiale était de démolir le chalet existant et de construire une nouvelle résidence. Mais à la première visite, les concepteurs ont été séduits par le site et le chalet existant. Ils ont rapidement choisi de préserver le bâti. La simplicité formelle du chalet, sa terrasse couverte tournée vers l’horizon et la qualité de son implantation ont motivé un changement de stratégie : restaurer l’existant afin de conserver les droits acquis et y greffer un agrandissement discret, relié par une passerelle.

Malgré la grande superficie du terrain, la zone constructible demeure limitée par la montée des eaux et par la bande de protection des rives, dont les tracés irréguliers structurent l’implantation du projet. Ces contraintes ont mené à une composition fragmentée, constituée de pavillons distincts disposés dans la zone autorisée, tout en maintenant le chalet dans sa position dérogatoire, en surplomb du fleuve.

La conservation du chalet existant a nécessité d’importantes interventions : soulèvement de la structure pour l’installation de nouveaux pieux, consolidation des planchers, des murs et de la toiture, ainsi qu’une isolation complète de l’enveloppe. Le rehaussement du bâtiment permet également une meilleure résilience face aux variations du niveau de l’eau.

Le parti architectural repose sur une déclinaison programmatique en pavillons reliés par une passerelle flottante au-dessus de la marge. Le chalet accueille les espaces de vie, pleinement ouverts sur le fleuve et baignés de lumière. Le pavillon Est, légèrement orienté pour capter le lever du soleil, abrite la chambre principale en retrait des espaces communs, tandis qu’un troisième volume accueille un logement accessoire destiné aux parents de la cliente, orienté vers la baie à l’Ouest. Cette articulation volumétrique permet une cohabitation harmonieuse tout en assurant l’intimité de chaque unité. La volumétrie des nouveaux pavillons s’inspire de l’articulation des toitures du chalet existant. Les formes évoquent à la fois des coques de bateaux échouées et les rochers dispersés sur le site par le mouvement des marées. Le morcellement des volumes contribue à maintenir une échelle domestique et discrète : depuis le sol, l’ensemble conserve l’apparence d’un petit chalet, tandis que seule une lecture aérienne révèle l’ampleur réelle de l’intervention.

L’implantation des volumes génère également une série d’espaces extérieurs distincts. Une première cour marque l’approche du bâtiment et regroupe les accès des deux résidences. À l’ouest, l’angulation des pavillons forme une cour intérieure protégée des vents, ouverte vers le fleuve, qui accueille la piscine. L’angulation des volumes à l’ouest amène la création d’une cour intérieure intime bénéficiant de l’ensoleillement et de l’ouverture sur le fleuve et non visible de l’intérieur, idéale pour l’implantation de la piscine dans les marges réglementaires.

À l’intérieur, le projet se déploie comme une séquence de cadrages et de perspectives croisées sur les pavillons. Chaque ouverture révèle une facette différente du paysage, tandis que la passerelle crée un moment de transition et de surprise menant vers le chalet d’origine. Les espaces de vie y mettent en valeur la structure de bois existante, révélée et réinterprétée dans une écriture contemporaine, établissant un dialogue entre mémoire du lieu et nouvelle intervention. La matérialité participe pleinement à la lecture du projet et à son ancrage dans le site. L’ensemble des volumes est enveloppé d’un parement de cèdre décliné en deux tons. Le cèdre plus foncé, appliqué sur les surfaces extérieures principales, évoque un bois vieilli naturellement par le temps, en écho au paysage côtier et aux constructions riveraines. À l’inverse, un cèdre plus clair et plus doux apparaît dans les découpages volumétriques, les replis et les zones abritées, soulignant la fragmentation des volumes et la profondeur des façades. Ce cèdre pâle se prolonge à l’intérieur, renforçant l’effet de transparence et brouillant volontairement la limite entre l’espace habité et le paysage extérieur, dans une continuité matérielle qui accompagne le regard vers le fleuve.

À propos de Bourgeois/Lechasseur architectes

Depuis sa création en 2011, l’agence québécoise Bourgeois/Lechasseur architectes se démarque par la qualité de ses projets, tant publics que privés. La fascination des architectes pour les somptueux paysages du Québec et les saisissantes falaises des Îles-de-la-Madeleine est au cœur même de leur travail, qui se veut innovateur tout en étant profondément ancré dans le territoire.

Au cours des dernières années, plusieurs de leurs réalisations, dont la résidence d’artistes Est-Nord-Est, ont été amplement médiatisées. On leur doit également divers projets construits dans la région de Charlevoix, l’une des destinations touristiques les plus attrayantes du Québec.

Photo credit: Adrien Williams