2025-01-23 | ![]() ![]() |
Lorsqu’en 1981, Charles Ceyrac, maire de Collonges-la-Rouge, décida de lancer le label des « plus beaux villages de France », le premier qui obtint cette distinction fut Salers en 1982. C’est sans doute pour cette raison que 350’0000 visiteurs s’y rendent annuellement alors que ce bourg ne recense guère que 314 âmes.
A chaque maison son histoire : A Salers, il n’y a pas moins de 33 maisons classées « monuments historiques » qui, en grande majorité, se caractérisent par les incontournables pierres noires de basalte avec lesquelles elles ont été construites, ce qui donne un caractère unique. Point de départ idéal pour découvrir Salers : la place Tyssandier d’Escots avec le buste de celui-là même à qui on doit la labellisation de la race des vaches de Salers. La fontaine qui se trouve en son centre signifie que la place était utilisée pour les marchés et les foires. Cette place offre à elle seule une concentration de monuments classés historiques de la Haute-Auvergne. Tous ces édifices datent de la période de l’opulence avec l’arrivée des noblesses d’épée et de robe qui firent main basse sur les échoppes des forgerons, verriers, boulangers et autres artisans qui furent relégués dans la ville basse. Les nobles d’alors construisaient en hauteur avec des échauguettes, tourelles, plus esthétiques que pratiques. Certains bâtiments sont néanmoins restés la propriété de riches bourgeois comme, par exemple, la maison Blot-Lacombe avec sa tour de plein pied. On reconnaît la maison du bailly par deux signes distinctifs sur sa façade : une petite tête de juge à perruque pour signaler la puissance judiciaire et des fleurs de lys indiquant une administration royale. La maison de la Ronade datant de 1356 avec sa façade en andésite et sa tourelle apparaît dans le film « La cité de l’indicible peur » de Jean-Pierre Mocky est la cerise sur le gâteau..
La ville basse : Nous quittons les quartiers riches pour celui de Barrouze (barrière naturelle en occitan). On y accède par la porte charretière de la Martille pour se trouver en face d’un autre monument historique qu’est la maison Bertrandy. Son fronton de forme triangulaire indique qu’elle a appartenu à un officier. On accède ensuite à l’esplanade de Barrouze aménagée sur les anciens remparts.et d’où un tour d’horizon permet d’admirer les plateaux de Valgorce et du Violent et les vallées de l’Aspres, du Rat de la Maronne et, juste en face, la superbe chapelle Notre-Dame-de-Lorette. A deux pas de là se trouve une ancienne maison de missionnaires datant de 1734 et réaffectée pendant la Révolution à un hospice communal (hôpital)..Plus loin, un couvent, dans la rue qui porte le même nom, a été transformé en salle des fêtes. Pour retourner à la place Tyssandier d’Escous, on emprunte la rue des Nobles qui fut habitée par les plus titrés. Elle est étroite, signe de richesse, certes, mais surtout pour que ne puissent pas y circuler les charrettes. Cette rue a pour particularité des escaliers aménagés en marchepieds sur les bas-côtés pour faciliter la montée dans les calèches.
Grandeur et décadence des Barons : A Salers, vous ne trouverez pas de château et, pourtant, il y en avait bien un sur la butte avoisinante, aujourd’hui couverte d’arbres. Il fut le point de départ d’une suite de péripéties qui marquèrent l’histoire du bourg. A l'origine, il fut habité par des Barons, vielle dynastie remontant aux temps de la féodalité et régnant sur l’ensemble du plateau de Salers. Ils imposèrent leurs règles féodales à la population jusqu’en 1428, date où le maire de Salers délégué auprès du roi par les Sagraniers, obtint le droit de s’affranchir de l’allégeance au Baron dont le principal reproche était de ne pas parvenir à les protéger des pillages répétés de bandes de brigands et d’escarmouches anglaises lors de la guerre de cent ans. Avec la bénédiction du roi, les habitants de la ville haute obtinrent l’autorisation de protéger leurs biens (les bourgeois avaient de grandes richesses, principalement le cuir et la laine) en bâtissant des remparts et les imposantes portes charretières (pouvant laisser passer les charrettes) de beffroi et de la Martille qui sont les seuls vestiges de remparts. L’affranchissement permettait aux habitants de se réunir et de prendre des décisions sans la présence du Baron. En 1665, Louis XIV institua à Clermont une Haute Cour de Justice d’Auvergne pour remettre au pas la noblesse de la province qui avait conservé, bien souvent, des pratiques féodales. Salers fut juridiquement sous un baillage, justice directement sous l’autorité du roi et abolissant tout pouvoir du Baron sur les Sagraniers. François de Salers, le dernier Baron, ayant fait tuer un de ses opposants fut condamné à mort par contumace par le Bailli et destitué de ses titres et droits. Son château fut rasé.
La chaîne des puys : Salers se trouve à l'extrémité ouest de l’alignement des volcans du Cantal. A défaut d’aller faire le trajet jusqu’au Puy-de-Dôme le visiteur, dont le temps pourrait être limité, pourra déjà aller jusqu’au proche Puy Marie qui, de ses 1780 mètres d’altitude, offre un panorama sans pareil sur les monts d’Auvergne. Les amateurs de randonnée seront comblés avec plusieurs sentiers balisés, mais toutefois à fort dénivelés. Le plus court est celui du Pas-de-Peyrol, qui consiste en un aller-retour à pied d’une heure, mais avec, par endroits, des pentes assez raides. Il y pousse les fameuses gentiane jaune et grande gentiane, dont la racine qui peut atteindre 1,50 mètre de long, sert à la confection de plusieurs liqueurs dont les plus célèbres restent la Salers et l'Avèze.
Qui n’a pas entendu parler de la pure race de vaches de Salers ? C’est bien le village qui donna le nom au bovidé et non l’inverse. Elle est renommée très résistante, car on la retrouve aussi bien en Russie, qu’en Chine, aux Etats-Unis, en Alaska, au Mexique et ailleurs encore, donc dans des pays aux climats et à la géologie différents.
Salers est l’endroit rêvé pour déguster la cuisine de terroir. Les restaurants du Baillage et du P’tit Comptoir ont une carte bien fournie listant les grands classiques. On y trouve, bien entendu, toutes les préparations de la viande de la pure race bovine Salers, dont le coufidou (ragout), mais aussi d’autres spécialités comme le tripou (plat à base de tripes de veau), le pounti aux pruneaux .la truffade (sorte de tartiflette à la tome du Cantal), sans oublier les fromages tels que le bleu d’Auvergne, le saint-nectaire et le cantal. Pour le dessert ? Les carrés de Salers, bien sûr : sorte de biscuits sablés.
Gérard Blanc, texte et photos
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