2025-10-23 | ![]() ![]() |
La Galerie Vallois poursuit son engagement en faveur de la scène artistique contemporaine africaine en présentant une sélection d’œuvres de cinq artistes dont la singularité formelle et la richesse narrative témoignent de la vitalité créative du continent.
Doff (Tchad), King Houndekpinkou (France/Bénin), Ezekiel Messou, Epaphras Toïhen et Dominique Zinkpè (Bénin) sont réunis dans une proposition curatoriale qui fait dialoguer des pratiques artistiques profondément ancrées dans l’histoire culturelle de leurs pays avec les préoccupations esthétiques et sociales du monde contemporain.
Chaque artiste explore un médium qui lui est propre : Doff sublime les matériaux de récupération pour créer des œuvres percutantes, porteuses d’une mémoire sociale et environnementale.
King Houndekpinkou réinvente la céramique en y insufflant une dimension spirituelle et expérimentale.
Ezekiel Messou transcende le dessin technique pour en faire un champ d’exploration intime.
Epaphras Toïhen façonne le bois pour en tirer des sculp- tures expressives, imprégnées de récits vernaculaires.
Dominique Zinkpè, figure majeure de la scène béninoise, navigue entre peinture et sculpture dans une œuvre foi- sonnante et symbolique.
À travers cette constellation d’approches plastiques, l’exposition reflète la diversité des voix qui composent la création contemporaine africaine aujourd’hui. Elle met en lumière la capacité de ces artistes à conjuguer héritage et innovation dans une écriture artistique personnelle.
Né Apollinaire Guidimbaye en 1983 à Massyéna, au sud-est du Tchad, Doff grandit dans une famille nombreuse de onze frères et sœurs. Son environnement est imprégné de créativité : sa mère est teinturière arti- sanale, son frère aîné peintre, et l’art accompagne son quotidien. Enfant inventif, il fabrique ses jouets avec des boîtes de conserve, démonte ceux qu’on lui offre, et passe de longues heures dans l’atelier de son oncle mécanicien, fasciné par le travail du métal. À 15 ans, il choisit de ne pas poursuivre ses études. Soutenu par un autre oncle, qui lui offre une scie à chantourner, il découvre la marque- terie. Cette révélation fonde sa pratique artistique : il y développe une sensibilité aux matériaux et des compétences manuelles qui nourriront toutes ses créations. Explorateur insatiable, Doff s’ouvre à la peinture, la sculpture et la scé- nographie. Il privilégie les matériaux de récupération, collectés dans les décharges pour leur donner une seconde vie artistique. Ses amis le sur- nomment alors « Doff » – « le fou » en wolof – pour son obstination à créer à partir de l’insignifiant. Il adopte ce nom comme une affirmation de liberté. En 2018, un tournant majeur survient : sélectionné par la Fondation Moleskine pour l’atelier AtWork Tour I had a dream, dirigé par Simon Njami, il voit sa vocation confirmée. Cette expérience agit comme cata- lyseur, l’inscrivant durablement dans une démarche artistique engagée et contemporaine. Depuis, il s’impose comme une figure montante de la scène artistique tchadienne et africaine. Tourné vers le collectif, il développe aujourd’hui Fondasia, festival d’art contemporain à N’Djamena, pensé comme espace de rencontres et de transmission. Doff a participé à des résidences en Côte d’Ivoire, au Gabon et en France. Ses œuvres ont été exposées à Bordeaux, Paris, Dakar, N’Djamena, Washington DC ou Zurich, et présentées lors d’événements majeurs tels que Dak’Art, la Douala Art Fair ou encore AKAA à Paris. Sa démarche, profondément humaine et poétique, interroge mémoire, transformation et résilience, révélant autant le monde que lui-même.
Né à Montreuil (France) en 1987, King Houndekpinkou est un artiste céramiste franco-béninois basé en région parisienne. Membre de l’Aca- démie Internationale de la Céramique (AIC), il appartient à une généra- tion d’artistes de la diaspora africaine rayonnant à l’international. Son travail est présent dans de nombreuses collections publiques et privées, et exposé à travers le monde, de l’Afrique du Sud au Japon, en passant par les États-Unis, l’Allemagne, l’Australie, le Maroc et le Bénin. Son enfance en banlieue parisienne fut marquée par la culture popu- laire japonaise des années 1990, notamment les mangas et les jeux vidéo. En 2012, il se rend pour la première fois au Japon, où il découvre la céramique traditionnelle. Cette rencontre l’amène à se former à Paris puis à Bizen, l’une des six villes de poterie ancestrale, auprès du groupe Keramos et du maître Toshiaki Shibuta, qu’il considère comme son « père de terre ». Son œuvre puise dans la spiritualité animiste commune au Bénin et au Japon. Il crée des assemblages sculpturaux de formes céramiques, qu’il surcharge d’émaux, peintures, dorures ou bombes aérosols, mêlant références au Vodun, au dripping de Jackson Pollock ou au Street Art. Par ailleurs, il combine des argiles de provenances diverses, affirmant la céramique comme langage universel de rapprochement entre les cultures. En 2024, il inaugure A GOOD SPACE®, studio et hub créatif à Melun, un projet qu’il aura mis plusieurs années à concrétiser. De cette expérience est née son exposition la plus personnelle, Let My Soul Shatter..., pré- sentée à la Galerie Vallois du 2 au 31 octobre, simultanément avec la foire AKAA. Au cœur du travail de King se trouve la conviction que l’être humain, comme l’argile, est sans cesse façonné par les forces de chan- gement. Le défi n’est pas de résister, mais de trouver un centre au milieu du chaos.
Né en 1971 à Ganviè (Bénin), Ezekiel Messou n’a pas un parcours artistique classique. À l’âge de seize ans, fuyant un père autoritaire, il part pour le Nigeria. De 1990 à 1995, il apprend le métier de répara- teur de machines à coudre à Lagos. De retour au Bénin, il ouvre son propre atelier à Abomey-Calavi où il ne manque pas de travail : il n’y a presque pas de prêt-à-porter, tout est fait sur mesure et les couturiers sont très nombreux. Ezekiel est un mécanicien passionné et consciencieux. Avant de démonter une machine, il en dessine les rouages en guise d’aide-mé- moire. D’abord très schématiques, ses dessins deviennent de plus en plus complexes et colorés au fil du temps. Sur chacun, il inscrit le nom de la marque de la machine à coudre qu’il dessine, ou le rem- place par son nom ou ses initiales MJS. Enfin, il appose le tampon de son établissement à l’encre rouge ou bleue : « Ets qui sait l’Avenir * Réparation des Machines à Coudre * Le Machinistre ». Si la machine à coudre reste son sujet de prédilection, il dessine aussi d’autres types de machines et de nombreux feuillets sont également consacrés à la représentation de Ganviè, sa ville natale. Un jour, il est repéré par Lucienne Peiry, alors directrice de la Collec- tion de l’Art Brut à Lausanne, qui acquiert pour le musée trois de ses carnets dans lesquels plus de 130 machines à coudre sont représen- tées. C’est le début d’une reconnaissance internationale. Les œuvres d’Ezekiel sont aujourd’hui présentes dans les plus importantes col- lections d’art brut dont la collection Treger/Saint Silvestre (Portugal), le Art et marges musée de Bruxelles, le Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut (LaM) en France, ou encore la collection de Bruno Decharme, qui a fait une donation au Centre Pompidou en 2021, comprenant des dessins de l’artiste béninois.
Epaphras Dègnon Toïhen, est né en 1991 à Cotonou, (Bénin), il vit et travaille entre Cotonou et Brasilia, (Brésil). Issu d’une lignée de sculpteurs, Epaphras Toïhen s’initie très tôt au travail du bois. Ses premières créations lui vaudront de recevoir le prix national de l’Innovation artistique et une bourse pour un stage à l’uni- versité des Beaux-Arts de Hunan, en Chine. Epaphras s’inscrit plus tard à l’université de Brasilia où, après un enseignement intensif du portugais, il reprend un travail de création rythmé par des cours d’his- toire de l’art et des ateliers de sculpture. L’artiste développe une manière particulière de travailler le bois en le striant, s’inspirant des scarifications traditionnelles d'Afrique, qui est devenue sa signature. La scarification est un héritage, un lien avec les ancêtres, que l’on pratique dès l’enfance, mais aussi plus tard dans la vie à l’occasion de certains événements, que l’on grave ainsi dans sa chair. « Ces marques d'identification ou d'appartenance ou d'initiation font partie intégrante de ma culture. Je veux lier cela à ma tradition, mais aussi personnaliser mon œuvre ». Le thème de la mémoire est au cœur du travail de Toïhen : ces souches dans lesquelles il sculpte des visages humains après les avoir déterrées sont la mémoire de la terre. Empreintes de lyrisme et de spiritualité, ses sculptures en teck, aux formes parfois torturées, possèdent une forte présence et un grand sens de l’épure. En célébrant la beauté du bois, c’est son âme qu’il révèle. Ses œuvres ont été présentées en Afrique de l’Ouest, au Brésil, au Maroc, en France, au Portugal, en Chine et en Corée.
Dominique Zinkpè est né en 1969, à Cotonou (Bénin), il vit et travaille entre Cotonou et Abomey. Peintre et sculpteur, il est l’un des principaux artistes vivants du Bénin. Dominique Zinkpé est attiré très jeune par la volonté de créer mais il doit se résoudre à suivre une formation en couture pour rassurer ses parents. Autodidacte, il étudie dans les livres la peinture des grands maîtres et continue une pratique artistique quotidienne. Il en gardera le désir d’aider à la formation artistique des jeunes Béninois. Dominique Zinkpé commence à exposer en 1989, puis se fait remarquer en 1993 avec le Prix Jeune Talent Africain qu’il reçoit au Grapholies Art Festival d'Abidjan. En 2002, il reçoit également le Prix Uemoa, à la Biennale de Dakar en 2002. Si on peut percevoir dans ses tableaux l’influence de Francis Bacon ou Jean-Michel Basquiat, c’est bien dans toute la profondeur et la richesse de la culture béninoise et de la religion vodou qu’il puise son inspiration. Depuis 2006, ses sculptures se caractérisent par l’emploi de petits objets artisanaux, les « Ibeji » ou figurine « hôhô » en fon, sa langue maternelle. Ce sont des figures symboles des jumeaux. Consi- dérés comme investis d’un pouvoir particulier, un culte leur est voué. Lorsqu’un parent perd l’un de ses enfants, celui-ci est remplacé par un Ibeji qui reçoit alors toute l’affection de la mère et de la fratrie. Les œuvres de Dominique Zinkpè se trouvent dans de nombreuses collections privées et publiques. Diffusé au niveau international, son travail a joué un rôle moteur dans la reconnaissance de l’art contem- porain africain et de son rayonnement.
La Galerie Vallois Art Moderne et Contem- porain fut créée par Robert Vallois en 1983. Consacrée initialement à la sculpture contemporaine, la galerie s’est peu à peu ouverte à d’autres médiums : peinture, des- sin, photographie, art textile, céramique... et promeut depuis 2012 la jeune génération d’artistes plasticiens africains, principalement béninois.
À cet effet, elle a financé en 2013 la construction à Abomey-Calavi du Centre, espace dédié à la création contemporaine dont Dominique Zinkpè est Président d’Honneur, suivi par le Musée de la Récade en 2015.
La Galerie Vallois est devenue l’un des acteurs clefs de la scène artistique béninoise, tant sur place qu’à Paris avec les nombreuses expositions et les ouvrages que la galerie lui consacre.